Père Michel Evdokimov, un homme aux multiples facettes

père Michel Evdokimov

Hommage à père Michel Evdokimov

À l’occasion d’un office des défunts célébré à la mémoire du père Michel Evdokimov (1930-2025), dans la paroisse saints Pierre et Paul qu’il avait fondée, l’actuel recteur père Dominique Beaufils a prononcé quelques mots d’hommage dont vous trouverez le texte ci-dessous.

En cette pannychide solennelle de la paroisse des saints Pierre et Paul, nous prions tout particulièrement pour le repos de l’âme de son fondateur, le père Michel.

Toute la vie de père Michel a été centrée sur le Christ. Au-delà même de l’Orthodoxie, il œuvrait pour l’unité du Corps du Christ. Nous ne connaissons pas sa jeunesse, mais nous savons qu’elle a été guidée par le contact de son père, Paul, qui vivait pleinement sa foi orthodoxe, comme en témoignent les nombreux livres qu’il nous a laissés. Père Michel affirmait lui-même la grande influence qu’avaient eue sur lui la présence et la prière de son père ; en particulier par le fait qu’il vivait l’exil lié à la révolution bolchevique comme une raison de la diffusion de l’Orthodoxie dans le monde occidental

Père Michel était un homme aux multiples facettes.

Les lettres 

 D’abord, comme agrégé d’anglais, professeur à l’école alsacienne où il a rayonné et formé, entre autres, celui qui est aujourd’hui l’un des piliers de notre paroisse. Après sa thèse de doctorat sur Khomiakov, il est nommé professeur de littérature comparée à la faculté de Poitiers, où il créa parallèlement une paroisse orthodoxe ; puis il enseignera au collège des Bernardins. Sa connaissance des langues, en particulier du russe et de l’anglais, l’a amené à être le traducteur de nombreux livres, en particulier du métropolite Antoine de Souroge et du père Alexandre Men, et à leur consacrer plusieurs ouvrages. Lui-même a écrit de nombreux livres portant sur la foi orthodoxe et sur la sainteté dans l’Église orthodoxe

La musique

D’abord comme membre du quatuor Kedrov, puis, pendant 20 ans, comme chef de chœur de la paroisse de la Sainte Trinité, dans la crypte de la rue Daru. De même que Maxime Kovalevsky, il a contribué à adapter le français aux chants liturgiques slavons, malgré l’hostilité souvent acharnée des milieux orthodoxes. Mais père Michel considérait cette œuvre comme, selon ses propres termes, 

«  une voie royale pour nous conduire au cœur de ce monde, et contribuer à son salut ».

On mesure à quel point cette œuvre a été importante pour le développement de la divine liturgie francophone, car, pour père Michel, la langue française était un élément essentiel pour construire l’unité des fidèles, et qu’en cela, elle lui permet d’être véritablement l’Église locale. De cela, il a été le fervent serviteur à la suite et à l’image des pères de bienheureuse mémoire Pierre Struve puis Boris Bobrinskoy, avec lequel il était particulièrement lié, mais aussi de prêtres comme, entre autres, les pères Lev Gillet et Cyrille Argenti. Cette période a aussi été marquée par la présence et l’action, aussi discrètes qu’efficaces, de Barbara Chpiganovitch, qui sera ensuite l’un des premiers chefs de chœur de notre paroisse des saints Pierre et Paul.

La diffusion de l’Orthodoxie

Dans cette mission, père Michel était bien loin d’un esprit de prosélytisme, mais dans une perpétuelle recherche de l’unité des chrétiens. C’est dans ce sens que Son Éminence le Métropolite Mélétios l’a nommé délégué à l’œcuménisme, et qu’il a été membre du Conseil des Églises Chrétiennes en France. Il considérait que la liberté de chaque Église est à l’image de celle de la divine Trinité. La liberté de chaque Eglise n’empêche pas leur unité, car l’unité est dans l’amour et, affirmait-il,

« aucun argument théologique ne peut justifier un manque d’amour… Au contraire, les divisions sont là pour nous contraindre à les dépasser ».

C’est dans cet esprit qu’il a œuvré, au sein même des Églises orthodoxes, en particulier au sein du Comité inter-épiscopal, devenu Assemblée des Evêques Orthodoxes en France, dont il a longtemps été le secrétaire, et où il a présidé la Commission Inter-Eglises C’est dans cet esprit qu’il a fondé et dirigé de longues années le Service Orthodoxe de Presse, le SOP, qu’il a travaillé à la revue Contacts, qu’il a écrit tant d’articles et d’ouvrages ; qu’il a donné tant d’entretiens aussi bien dans les différents milieux religieux que sur les ondes, en particulier dans l’émission « Orthodoxie » et sur KTO. C’est dans cet esprit qu’il s’est engagé dans l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT)… Il serait vain de vouloir tout dire, tant il a rempli sa vie au service de l’Église et de tous ceux qu’il aimait véritablement comme ses frères.

Fondateur

En créant la paroisse des saints Pierre et Paul, ce n’est pas un lieu de culte qu’il créaít: il participait à la construction de l’Eglise. En cela, il avait conscience que cette paroisse qu’il créait n’était pas un simple lieu de culte, mais qu’elle était en plénitude le Corps du Christ. En créant la paroisse des saints Pierre et Paul, ce n’était pas une oeuvre personnelle qu’il faisait, mais il la créait pour le service de ses frères ; parce qu’il s’était rendu compte que, faute de lieu de culte, de nombreux orthodoxes de la région étaient privés de la divine Liturgie. Mais on ne peut évoquer cette oeuvre sainte sans faire mémoire de Pierre Semenov qui fut, avec père Michel, à l’origine de la fondation puis de la vie de notre paroisse. Toujours attentif et discret, il a, jusqu’à la fin de sa vie, secondé père Michel pour tout ce qui touchait la paroisse. Il était proche de tous les fidèles, prompt à résoudre tous les problèmes matériels. N’est-ce pas les noms de son père, Paul, et de Pierre Semenov, qui ont conduit père Michel à consacrer cette paroisse aux saints Pierre et Paul ?

Père spirituel

Mais, avant tout, père Michel était un père spirituel. Un père spirituel pour la communauté des fidèles, par la célébration de la divine Liturgie,

dont il était véritablement l’intermédiaire entre le Célébrant divin sur le Trône de gloire de Son Royaume, et l’assemblée ecclésiale; par ses homélies, qu’il voulait toujours simples et pédagogiques ; mais aussi par les agapes fraternelles qui se faisaient chez lui et Marie-Claire, et qui étaient toujours une réunion pleinement familiale qui prolongeait la divine Liturgie, comme une suite à la prière devant l’ambon, faisant de la demande « sortons en paix » une réalité pour la vie dans le monde.

II était aussi un père spirituel pour chacun des fidèles avec lesquels il était réellement proche Les paroles qu’il donnait à chacun d’eux témoignaient qu’il comprenait et partageait leurs problèmes, et c’était réellement de la Lumière du Christ qu’il les éclairait. Il faut aussi rappeler le rôle déterminant qu’il a eu pour beaucoup d’entre nous, lorsque Monseigneur Stephanos lui demanda de prendre en charge les fidèles qui avaient quitté l’ECOF, et qui étaient, dans une grande souffrance, à la recherche de l’Orthodoxie. Comment, avec la grande douceur qui le caractérisait et sans le moindre reproche ni pour eux ni pour l’ECOF, il les guida dans la Vérité et les intégra à l’Eglise du Christ. De cela, votre prêtre est un témoin pleinement reconnaissant.

Maintenant, père Michel est dans la Lumière de Celui Qu’il a toujours aimé plus que tout, et dont il a toujours été le serviteur fidèle auquel le Christ dit « Entre dans la joie de ton Maitre ». C’est dans cette certitude que nous prions le Seigneur :
Donne, Seigneur le repos à l’âme de Ton serviteur, père Michel, dans le sein d’Abraham, d’Isaac et de Jacob; de même que Tu l’as établi pour le service de l’Église, juge-le digne, Seigneur, de servir à Ton Autel dans les cieux. Accorde aussi, Seigneur, le repos éternel à l’âme de Ton serviteur Pierre et de Ta servante Barbara, dans le séjour de la Lumière, de la fraicheur et de la paix. Amen.

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