Une orthodoxie en mouvement
« Voyez qu’il est bon, qu’il est doux, d’habiter en frères tous ensemble !
C’est comme un parfum sur la tête …
C’est comme la rosée de l’Hermon … » (Ps 132/133)
C’est ce psaume qui résonne à mes oreilles en repensant à nos Rencontres du vicariat 2025 qui ont rassemblé plus de 120 membres et délégués des 26 paroisses du Vicariat. Je n’ai pu assister à aucun rassemblement orthodoxe depuis 10 ans, et j’ai eu la joie de retrouver les 30 et 31 mai dernier le doux parfum de vraie fraternité et la fraîche rosée d’espérance qui renouvellent en nous l’élan pentecostal nécessaire à notre mission dans le monde. Une véritable orthodoxie en mouvement.
N’ayant pas pris part à l’organisation de ces journées, je peux aisément saluer la fluidité de l’organisation ainsi que la grande qualité des interventions.
Dès son discours inaugural, le métropolite de France, Mgr Dimitrios, a posé les jalons de notre réflexion autour du thème « La liturgie après la Liturgie », qui a fait l’objet d’un cycle de catéchèse sur deux ans, organisé conjointement par l’Académie d’Études théologiques de Volos (Grèce) et le Vicariat. « Si la Liturgie est le centre de notre vie ecclésiale, elle ne se limite pas à celle-ci. » ; la réalité de la Liturgie eucharistique est autant notre incorporation au corps du Christ et notre expérience du Royaume, que la manifestation du Christ dans le monde à travers l’Église qui est son corps.
Les conférences et la table ronde ont conduit notre réflexion sur les modalités de notre fidélité à cette mission.
Transmettre l’Évangile parmi les nations en devenant soi-même un évangile vivant, tel est le fil rouge de la mission de la métropole orthodoxe du Cameroun que nous a présentée le métropolite Grégoire. Mais en Afrique, la présence de l’Église au monde doit tenir compte d’un syncrétisme ambiant, d‘un multilinguisme lié à de multiples traditions culturelles, permettant ainsi de réinventer la tradition de l’Église, afin de vaincre des obstacles souvent plus psychologiques que théologiques, au sujet, notamment, de l’ordination des diaconnesses.
Oser notre présence au monde, notre ouverture nécessaire aux nouveaux enjeux de notre société fracturée, nous unir au monde, tout en construisant l’unité au sein de l’Orthodoxie, de nos paroisses, de nos traditions locales, tel est le défi qui est au cœur de notre mission, qui prolonge l’action liturgique, et qu’ont décrit chacun à sa manière les intervenants de ces journées.
Table ronde « Unité et diversité dans l’Église »,
avec Cyrille Sollogoub, Olga Lossky-Laham, Julija Vidovic, Georges El Hage, Michel Tarran et p. Andrey Kordochkine, a posé cette exigence en bousculant le confort d’une vie ecclésiale repliée sur elle-même.
La communauté paroissiale doit être un lieu vivant de conciliarité où prêtres et fidèles sont co-responsables de la vie pastorale et liturgique. Un lieu de dialogue avec le monde qui l’entoure. L’évolution nécessaire de notre rite liturgique, qui reste figé depuis plus d’un siècle, devrait permettre d’échapper à un « train-train » peu favorable à une participation à la vie divine à laquelle nous appelle, justement, la vie eucharistique. Notre vie ecclésiale est aussi fragmentée par des logiques nationales et ethnocentriques, obstacles à la synodalité, où ce qui est censé nous unir ne nous réunit pas. Le corps du Christ qu’est l’Église, présent dans le monde, est vivant et doit bouger, pour s’adresser à toutes et tous, et atteindre autant l’unité interne que l’unité avec le monde.
Les témoignages
À cet appel au mouvement et à l’unité se sont ajoutés les témoignages très stimulants de deux prêtres russes contraints à s’exiler et à se rattacher au Patriarcat Œcuménique, les pères Andrey (Kordochkin) et Alexis (Uminsky). Les questions d’unité de l’Orthodoxie et de rapport de l’Église à la modernité sont bien sûr encore plus brûlantes pour eux que pour nous en France. Mais la dérive vers une sorte de religion politique où la foi est secondaire par rapport à la fidélité à un drapeau ou une nation, et l’appel à une « Église de la main tendue » prônée par notre protectrice sainte Marie de Paris, nous concerne aussi !
La conférence conclusive
Pour clôturer ces journées, le professeur Pantelis Kalaitzidis, a prononcé une passionnante conférence sur la crise profonde et multiforme que traverse l’Église orthodoxe en se livrant à une redoutable autocritique qu’il serait difficile de résumer ici. Je citerai juste ces quelques mots : «L’Église n’aspire plus à l’eschaton, à la venue du Seigneur, mais à un retour à un empire …. Au lieu d’être un avant-goût du Royaume de Dieu, elle est acclamée comme un royaume terrestre.»
Jalonnées par un joyeux repas libanais et vivifiées par la prière des vêpres et la Liturgie, les Rencontres du Vicariat 2025 ont été pour tous, je crois, une source de joie et d’énergie nouvelle pour ÊTRE dans et pour le monde, le corps du Christ vivant.
Catherine Turini

















